Des citoyens ont collé leurs extraits
d'état civil, religion barrée, sur une carte géante du Liban.Jamal
Saidi/Reuters 13 avril L'État participe pour la première
fois à ce type de commémoration. L'association Mémoire pour
l'avenir va faire ériger un mémorial, place des Martyrs,
pour « réconcilier les Libanais autour de leur passé ».
La place des Martyrs sera donc celle de tous les souvenirs.
À quelques mètres de la célèbre statue à la mémoire des
nationalistes libanais pendus par les Ottomans, s'élèvera
bientôt un monument dédié aux victimes de la guerre civile.
« Ici, au cour de la capitale Beyrouth, sera érigé un mémorial
national en hommage aux victimes de la guerre qui a éclaté
au Liban le 13 avril 1975. Cette guerre a fait plus de :
200.000 morts, 17.000 disparus, 400.000 blessés. Souvenons-nous.
» La plaque portant cette inscription a été inaugurée hier
matin, 13 avril, jour anniversaire de l'attaque du bus de
Aïn el-Remmaneh, qui a marqué le début de la guerre civile.
Cette année, de manière inédite, le gouvernement était officiellement
présent à la cérémonie, représenté notamment par le ministre
de l'Intérieur, Ziyad Baroud.
Une minute de silence a été observée à midi à la mémoire
des victimes de la guerre. Cette cérémonie représente une
première victoire pour l'association Mémoire pour l'avenir,
présidée par Amal Makarem, qui travaille depuis l'an 2000
en vue de faire reconnaître le 13 avril comme journée nationale
du souvenir. Des commémorations sont organisées chaque année
à l'initiative d'organisations privées, mais c'est la présence
de l'État qui marque la différence cette année : une nouvelle
étape est ainsi franchie dans la « réconciliation des Libanais
autour de leur passé », selon l'association.
« Ce mémorial sera dédié à la guerre de 1975, mais aussi
à toutes les guerres qui ont suivi et qui n'ont pas encore
de nom », a déclaré Maha Hafez, de Mémoire pour l'avenir.
Il s'agit ainsi de se souvenir pour ne pas recommencer,
en valorisant les principes de paix et de démocratie qui
doivent empêcher une nouvelle guerre de se déclencher. Amal
Makarem, présidente de l'association, s'est exprimée hier
en mettant en avant l'importance de ces valeurs, qui doivent
selon elle passer avant le patriotisme : « Vous dites le
Liban d'abord, mais si vous me le permettez, je dirai le
Liban ensuite. D'abord, il y a les principes de liberté
qui sont à la base de l'unité nationale. »
La lutte contre le confessionnalisme est au premier plan
de ces revendications démocratiques. En février, le ministère
de l'Intérieur a pris la décision de permettre aux Libanais
de supprimer la mention de leur appartenance religieuse
sur leurs extraits d'état civil. Après la cérémonie, hier
matin, de nombreux citoyens ont été invités à coller leurs
extraits d'état civil, religion barrée, sur une carte géante
du pays, étalée sur la place des Martyrs.
Le travail continue pour l'association après le 13 avril.
Elle a d'abord des ambitions d'historienne : recenser les
noms des victimes de la guerre, pour éventuellement les
inscrire sur le futur mémorial, et établir un chiffrage
officiel de ces victimes. Il s'agirait à terme de « former
une instance nationale qui sera chargée d'écrire l'histoire
de la guerre selon ses multiples versions », comme le précise
le site Internet de Mémoire pour l'avenir, qui appelle également
à résoudre rapidement la question des disparus et des déplacés
de guerre. Un concours est lancé pour confier à un artiste
libanais la responsabilité de dessiner le mémorial qui sera
érigé place des Martyrs.
|